L'exposition

Olivier Cadiot et Pierre Alféri appelèrent le premier tome de leur Revue de Littérature Générale (1993-95), Mécanique Lyrique. Il se réclamaient ainsi des avant-gardes croisant arts plastiques et écriture, et de leur fascination pour la technologie. Surréalistes, futuristes, cinéastes expérimentaux, ou poètes Beatniks américains comme William Burroughs, ont rêvé, chacun à leur façon, d’hybridations technologiques. Henri Michaux exprima cette relation de forme graphique : il imagina un « dessin cinématique », qui tâterait le pouls de la journée… Il s’en tînt à la mescaline, substance psychédélique, comme une technologie chimique de passage entre la psyché et la feuille - et c’est ainsi que s’entame la présente exposition, avec son dessin.

Michaux se serait-il émerveillé face aux technologies génératives actuelles, ou bien, comme les artistes ici présentés, aurait-il associé l’antique stylet au crayon digital ? Dès son origine, certes mythique, le dessin est mécanique, il double le monde, mais en lui arrachant un peu de son âme : la fille d’un potier dessine le contour de l’ombre portée de son amant sur un mur et Pline l’Ancien y voit l’origine de l’art au début de notre ère. Le dessin fût ainsi « trouvé », à la fois geste de prélèvement et techno-pensée.

Comme la jeune femme, les artistes contemporains ré-inventent le dessin en s'appuyant sur les nouvelles technologies. Dès les balbutiements du software graphique bitmap, jusqu’au dessin vectoriel, iels perçoivent le potentiel lyrique de ces lignes générées, programmées, animées – mais aussi de leurs échecs. Cet aller-retour entre le matériel et le virtuel, le contact et la distance, l’écriture et le code font exister le dessin entre la présence virtuelle de l’ombre et l’absence animée de l’image.